Imram 2008 - IV


<< Etape précédente

De Oban à Crinan
A partir de mercredi 20 août

C'est sous un soleil radieux que nous quittons Oban. Une jolie brise nous fait longer la côte à toute vitesse et le paysage défile rapidement.

Le raz témoignant des puissants courants se dirigeant vers le golfe de Corryvreckan de sinistre réputation pour les navigateurs est bientôt en vue. Ce raz, bien que situé à plusieurs miles du Sound, où l'eau doit s'engouffrer avec violence, se laisse deviner au loin par un aspect tourmenté de la mer où les tourbillons et les déferlantes attestent de la vigueur des éléments. Nous passons à bonne distance sans encombres dans de très bonnes conditions.

Maintenant nous longeons la magnifique côte ouest de l'ile de Jura à quelques encablures: sauvage mais douce à la fois avec ses belles plages de galets dont certaines sont suspendues au-dessus de petites falaises...


Les plages suspendues de Jura

paysage vraiment étonnant. Le vent est maintenant bien fort. Les rafales sont bien amorties par les barreurs qui jouent à bien gagner du cap dans les surventes... Imram obéit bien; c'est un jeu dont on ne se lasse pas...



Fraîcheur écossaise à 8nd sous le vent de Jura

L'entrée du loch Tabert est bientôt là. Ce profond loch inhabité entouré de montagnes coupe littéralement l'île de Jura en deux. Nous avons repéré sur la carte notre lieu de mouillage. Un fort vent étant annoncé pour la nuit nous avons intérêt à bien choisir...  L'endroit  se révèle magnifique et nous mouillons l'ancre sur un fond semblant de bonne tenue.  La soirée va se passer à terre sur une plage de galets où nous faisons rôtir de succulentes tranches d'agneau sur notre petit grill. Tout ceci à des relents de vie primitive que chacun de nous apprécie en silence... la civilisation nous semble bien loin....


Grillade sur Jura, West Loch Tarbert

Instant magique lorsque la tête d'un vieux bouc émerge juste au dessus des nôtres, sur la petite falaise qui nous domine. Le seigneur des lieux est simplemenet venu voir quel genre de visiteur avait osé s'aventurer sur SA plage déserte...

Le vent est vraiment violent lorsque nous remontons à bord d'Imram. La chaîne de l'ancre grince parfois de manière inquiétante. Il est décidé de faire des quarts de mouillage; chacun restera éveillé à tour de rôle et vérifiera régulièrement que les alignements des repères à terre restent constants, preuve que l'ancre ne dérappe pas. La nuit se passe donc à écouter les rafales et scruter l'obscurité... rien ne bouge.

Le matin il pleut et il souffle encore fort lorsque nous appareillons en direction de l'ile d'Islay et sa fameuse distillerie de Bunnahabhain.


No comment!

L'arrivée au ponton à bassse mer devant la distillerie est sportive en raison du vent et du courant et nous devons nous y reprender à plusieurs fois: cramponné à la gaffe Jean-Luc doit bientôt la lâcher; elle pend maintenant misérablement au quai.... la tentative suivante en s'aidant de la perche à glace encore à poste depuis le Spitzberg en 2004 permettra de se sortir de ce mauvais pas.

Le temps d'attente de l'heure d'ouverture de la visite de la distillerie est  intelligemment mis à profit en dégustant  une quantité impressionante de mûres poussant en bord de mer. Sympathique visite, dégustation, achat de quelques bouteilles et de confitures. Nous sommes parés...

S'ensuit la navigation le long du Sound of Islay, étroit bras de mer entre l'île de Jura et l'île d'Islay. Le temps est maussade, une légère brise nous accompagne jusqu'à notre prochain mouillage, au large de Tayinloan. Demain Rob dit nous quitter.. cela sent la fin du voyage.. il ne reste plus que 2 jours de navigation.

Belle journée aujourd'hui: ça a commencé tôt à Tayinloan où Peter a amené Rob à son bus. Arrivés très tôt pour prendre le premier bus de la journée, nous passons devant un petit magasin. Nous demandons s'il y a un endroit pour boire un café: non, tout est fermé. Mais au bout d'un petit moment, le propriétaire revient à nous en nous demandant comment nous aimerions notre café, blanc (avec du lait) et bien sucré. Voilà un beau cadeau pour commencer la journée.

Je retrouve alors Imram et son équipage de plus en plus petit: à présent nous sommes trois: Jean-Luc, Alessandro et Peter. Sans perdre du temps nous levons l'ancre et traversons le petit détroit qui nous sépare de l'île de Gigha, l'île de Dieu.

Cette île mérite bien son nom: elle est fertile, les plages sont de sable blanc, l'eau turquoise et on y trouve des forêts luxuriantes de plantes exotiques.




Flore flamboyante sur Gigha

Magique. De surcroit, le soleil est de la partie et il fait agréablement chaud - ce qui change avec le climat des derniers jours.  Qu'il est bon de se promener en  dégustant les nombreuses mûres poussant au bord des chemins... Une petite promenade à pieds nus dans l'eau et le sable blanc d'un véritable petit lagon achève cette jolie étape.



Le mouillage dans les eaux claires de Gigha

Nous larguerons les amarres vers midi pour retourner sur Jura, l'île fétiche de Peter.


Les 'paps of Jura'

Il suffit de traverser Sound of Jura, une dizaine de milles, et nous voici pour la première fois sur la côte est de Jura. Contrairement à la côte Ouest, exposée au vent, celle-ci est bien plus accueillante, si bien qu'on y trouve un village, des habitations (200), un va et vient de bateaux en tout genre et une distillerie.

Aussitôt amarrés, nous ne perdons pas une seconde pour mettre en route l'annexe et partir à la découverte des lieux. Un détour à la distillerie nous fait découvrir des whiskys rares magnifiquement parfumés. Cap ensuite sur les montagnes alentours; il y en a une qui nous sourit et nous voilà en chemin pour le sommet.

Comme d'habitude, nous n'avons ni carte ni boussole et nous laissons guider par notre instinct. Une ascension à travers tourbières et pierriers nous amène au sommet. Le vent souffle fort et nous sommes enveloppés dans un brouillard qui ne laisse qu'occasionellement entrevoir le panorama qui est splendide. Nous longeons une crête avant de replonger vers le niveau de la mer. En chemin, nous avons la chance d'observer un aigle et de nombreux cerfs. On dit que l'île est peuplée de 20000 cerfs, 2000 moutons et 200 habitants...

De retour sur Imram, Jean-Luc nous attend déjà pour le prochain départ; ça fait 3 départs dans une journée... Et c'est parti. Le vent s'est levé et nous voulons en profiter pour naviguer à la voile. Mais à peine hissées les voiles, le vent laisse la place à une risée inutilisable dans le clapot, levé par les courants de marée...

L'objectif de ce soir est d'aller mouiller tout au fond de loch Sween. Lorsque nous nous y engageons au moteur il fait nuit noire, il pleut, la brume est omniprésente, le radar nous aide... pas assez puisque nous évitons in extremis un caillou par un gros coup de marche arrière, le seul gros caillou émergeant dans ce loch... Montée d'adrénaline.... Il était invisible au radar en raison de la pluie. Il pleut des seaux lorsque nous mouillons enfin l'ancre. Nous sommes trempés.

Aujourd'hui est le dernier jour de navigation vers notre but, Crinan. Nous avons de la visite. Un client de Peter a roulé pendant toute la nuit pour nous rejoindre et naviguer un instant sur Imram. Les croissants encore chauds qu'il nous apporte pour le petit déjeuner font le bonheur de tous et sont vite avalés. C'est sous la pluie que nous nous mettons en route. Quelques bords sont tirés en direction du fond du loch. On se croirait dans le Jura suisse... ce pourrait bien être le lac de Joux! Imram tire de nombreux bords de près dans une petite brise contraire pour ressortir du loch: les manoeuvres s'enchaînent au ras de la côte... descendre la dérive au vent... paré à virer.... je vire... border le foc... régler le chariot de grand voile...sortir la dérive maintenant au vent, naviguer quelques encablures et recommencer... On avance bien jusqu'au au Sound of Jura, puis le vent tombe.. 1 Bft...  

Nous avons tout notre temps pour cette dernière petite étape. Ainsi nous prenons notre temps et restons sous voiles pour profiter aux mieux de cette dernière navigation. Le Sound of Jura défile lentement au grand largue puis au vent arrière. Il y a trop peu de vent pour faire porter le spi alors on discute, on mange, on admire les couleurs: toutes les palettes de gris du ciel, les teintes argentées de la mer, le vert foncé des forêts que nous longeons.

Au loin, c'est Crinan, terminus de l'étape et du voyage 2008.


Imram va y passer l'automne et peut être l'hiver et c'est le coeur un peu serré de terminer ce beau voyage que nous entrons dans la petite baie où mouillent déjà de nombreux bateaux.


Le mouillage de Crinan

Peter est rassuré, son bateau y sera bien abrité pour les mois qui viennent. Les voiles sont pliées, les nettoyages avancent vite. Dernière soirée prévue à bord pour Jean-Luc mais avant cela  nous partons en annexe, puis à pied explorer la baie qui ne manque pas de charme: un château, des collines verdoyantes, des mûres, et encore des mûres le long des sentiers, et au loin des marais où volent de nombreux oiseaux qui à leur tour prendront leur envol pour des latitudes plus clémentes.


Encore le mouillage de Crinan

Crinan canal
Crinan hotel
Crinan boatyard

<< Etape précédente | Home | ... histoire à suivre > 2009

 

The Imram Voyage 2008 - Integral 12.50 - ACAPELA, 2008
pg & al

(c) pg & al 2008