Carte n°8
Depuis deux jours, un air de vacances s'est installé à
bord d'Imram. Tout d'abord il fait grand beau et nous pouvons d'avantage
profiter des espaces extérieurs sans nous emballer en 'oignon'.
Ensuite nous avons ralenti notre rythme de croisière ce qui
nous permet à tous de dormir normalement (c'est à
dire au moins 6 heures d'affilé et tous en même temps)
car avec la journée continue nous vivons totalement décalés.
Nous prenons le temps de 'perdre' notre temps dans la contemplation,
lectures, préparation des repas, écoutons le silence
ou la musique et bien sûr passons beaucoup de temps à
visiter les environs.
La seule ombre au tableau est l'absence de vent qui est un avantage
pour naviguer dans la glace et de nous arrêter un peu partout,
mais nous oblige très souvent de marcher au moteur.
Le temps est magnifique et nous découvrons la côte
que nous avons seulement vu au radar en montant: des montagnes aux
sommets pointus (nous sommes bien au Spitzberg !) couverts de glaciers
qui descendent jusqu'au niveau de la mer nous entourent dans Forlandsund,
détroit entre le Spitzberg et Prins Karls Forland. L'air
est pur et il s'en dégage une sensation de fraîcheur
comme au petit matin de grand beau temps en haute montagne.
Quoi de plus logique que d'essayer de s'en rapprocher? Les prévisions
météo sont favorables et prévoient peu de vent
pour les prochaines 24 heures. Nous pourrons mouiller au pied d'un
glacier pour tenter une ascension. Finalement nous mouillons notre
ancre dans une baie ouverte aux fonds incertains. Le sondeur en
perd son latin et le barreur son sang froid lorsque les fonds remontent
brutalement de 50 à 5 metres. La carte nous semble approximative
et un haut fond non répertorié reste à craindre
à tout instant. Dans ces conditions le faible tirant d'eau
(1m) et la solidité de la quille d'Imram (25x) nous rassurent
quelque peu.
Depuis le mouillage nous apercevons une belle ballade sur une arrête.
Sur les cartes terrestres les plus détaillées (1/100'000)
il est difficile de déterminer avec précision le relief
de Scotiafjellet; la randonnée évaluée à
4 heures durera presque le double, pour le plus grand bonheur des
marcheurs. Le paysage est superbe, nettement plus végétal
qu'au nord, il y a des rennes, des renards arctiques et une multitude
d'oiseaux terrestres, pas farouches et intrigués par l'apparition
de notre groupe de bipèdes aux grosses chaussures et sacs
de montagne lourds.
Il nous faut faire une marche d'approche d'une bonne heure à
travers les sols mous de la plaine d'alluvions avant d'attaquer
la crête qui mènera au sommet. Surprise de constater
la variété et richesse de plantes plus nous montons
- là où le soleil peut d'avantage chauffer le sol.
Nous osons à peine poser nos pied sur ce tapis végétal
ou et épais, tellement ce jardin sauvage est beau et surprenant.
Peu à peu les plantes laissent la place au lichens, et les
lichens aux pierres et à la glace. Panorama spectaculaire
depuis le sommet, silence parfait. Absence de traces de l'homme,
peut être cette montagne n'a jamais été gravie.
Le monde à nos pieds semble parfaitement intact, tel qu'il
a pu exister avant l'apparition de la 'civilisation'.
Après un long moment de contemplation,
descente à travers pierriers et moraines glaciaires.
Surpris, alors que nos pas s'enfoncent profondement dans la
mousse, nous apercevons un trou béant dans le sol et
réalisons que nous nous trouvons sur un vieux glacier
'enterré'. Le permafrost pénètre à
des profondeurs de plus de 100 mètres. Bon nombre de
montagnes semblent d'avantage constituées de glace...
Minuit a passé depuis longtemps, et la fatigue gagne
le groupe. Le soleil continue de briller et la 'nuit' se manifeste
seulement par le givre qui s'est déposé sur
le sol. | | |
Pendant ce temps, Rob et Lucy improvisent une cuisson
de pain avec les derniers restes de farine, de pomme de terre
lyophylisée et de semoule de blé afin d'accomoder
la fondue savoyarde (!) à l'occasion de la dernière
'soirée' d'étape. Au fait, c'est l'heure du
petit déjeuner.
Cette étape touche à sa fin: nos citernes d'eau
sont vides, toutes les réserves de fruits et de légumes
frais sont épuisées, il est à présent
temps d'arracher l'ancre pour les dernières milles
vers Longyearbyen où la relève attend déjà. | |
|
Précédent
| Index 2004 | Suite
de l'aventure
The
Imram Voyage 2004 - Integral 12.50 - ACAPELA, juillet 2004
|