Traversée de la
mer du Groenland
Après
une course contre la montre et une navigation intense : embarquement
pour la première étape d'expédition. Après
avoir vidé certains rayons du
petit supermarché à proximité du port, la première
journée sera consacrée à
l'instruction des nouveaux équipiers et au changement d'hélice.
Nous
remplaçons la bruante mais efficace Max-prop contre une grosse
tripale. Du
coup, les performances à la voile sont décevantes.
Nous savons pourtant
qu'il nous faudra compter très largement sur le moteur pour
la progression
à travers glaces et fjords.
Nous finissons
notre avitaillement en gasoil et en eau potable à
Hafnafjördur, une ville pragmatique et caractéristique
du SW de l'Islande.
A quelques minutes du départ nous réceptionnons la
livraison à bord de deux
magnifiques filets de saumon fumé; l'accueil de ces peuples
du nord est
toujours discret et charmant.
48 heures plus
tard - atterissage sur le Groenland:
Tard le soir, ce qui semblait être des cumulus se revèlent
être les hautes
cimes de la côte est du Groenland. Nous avons l'impression
d'être arrivé;
pourtant il nous reste encore 80 milles avant de toucher terre -
Les
montagnes qui culminent à plus de 2000m sont visibles à
plus de 100km.
L'air est tellement pur qu'elles semblent à portée
de main ce qui est très
trompeur. Peu à peu les nuages bas de l'occlusion qui nous
poursuit depuis
notre départ de Reykjavik se dissipent pour laisser place
à un soleil chaud
et agréable. La petite brise du Nord nous permet d'avancer
en silence sous
voiles. L'équipe de veille a pu observer le 'rayon vert'
quelques secondes
avant le lever du soleil.
L'air est frais
et un phénomène de mirage nous laisse bientôt
apercevoir
les premiers icebergs. Mais il nous faudra encore beaucoup de patience
avant de les distinguer clairement. L'ambiance à bord est
au beau fixe et
les derniers malades surgissent de leurs couchettes - nous fêtons
l'évènement par un petit déjeuner saumon, café,
tartines et pain frais.
Sous la surface
de l'eau, ça grouille de vie: phoques, dauphins, orques et
autres mammifères que nous n'arrivons pas à identifier
- de même que
macareux et mouettes qui nous accompagnent tout au long de notre
traversée.
La carte de
glace enregistrée la veille nous indique la présence
d'une
ceinture de glace jusqu'à 20 milles des côtes et qu'il
nous faudra
traverser. Nous l'attendons avec impatience mais au fil de notre
progression nous constatons qu'elle s'est totalement disloquée
et il ne
reste que quelques gros icebergs. L'équipage au complet est
sur le pont
pour admirer, commenter, filmer, photographier ces énormes
blocs souvent
plus haut qu'Imram qui se dévoilent à travers une
brume temporaire qui
laisse filtrer le soleil. Ceci nous oblige de naviguer au radar
qui s'avère
très efficace pour localiser même de petits morceaux
de glace à la surface
de l'eau calme.
Passé
Cap Dan, le brouillard se déchire et nous apercevons bientôt
Angmagssalik avec son port implanté dans une minuscule anse
encombrée de
bateaux et de barques à moteur. Après hésitations,
nous amarrons le long
d'un apontement instable et aussitôt Imram attire la curiosité
insatiable
de deux garcons groenlandais qui vont inspecter Imram.
Pendant deux
jours, Imram est la curiosité du port et quelques habitants
de
la ville nous honorent de leur visite. Ce sont des moments intéressants
qui
nous permettent de nouer le premiers contacts avec le pays et d'avoir
précieux conseils et recommandations pour la suite. Après
une journée
passée à rassembler les derniers renseignements pour
la préparation du
Trek, visite des magasins de la ville et passage dans les douches
publiques, nous larguons les amarres pour amener nos trekkeurs au
fond du
fjord Sermilik, qui veut dire 'là où il y a de la
glace', ce que nous
validons rapidement. C'est aussi le jour d'anniversaire de Lisa,
notre plus
jeune équipière qui fêtera sa 10ème bougie
avec un gâteau au chocolat
'bateau' particulièrement bien réussi.
Le temps est
au beau fixe et nous progressons au moteur parmi une multitude
de blocs de glace et d'icebergs de plus en plus nombreux et grands
jusqu'au
village de Tinitequilaq.
Occasion de
rencontrer un chasseur qui vient de ramener un narval avec son
étonnante défense. Ambiance de dépaysement
dans ce lieu sans voitures où
les enfants jouent dans les ruelles de terre poussièreuse
tard dans la
journée car le soleil se couche à minuit. Notre rythme
du bord est
également décalé et c'est encore fatigué
que nous sortons de nos couchettes
le lendemain matin pour préparer l'équipement de montagne,
tentes et vivres
pour une traversée montagneuse de 4 jours.
Aussitôt
nous mettons en route pour progresser vers le haut du Sermilik
toujours plus encombré de glaces. Bientôt nous devons
réduire la vitesse
pour slalomer entre glaçons et bergs et régulièrement
un petit morceau
vient se frotter aux oeuvres vives d'Imram. Une personne dans les
barres de
flêches indique le meilleur chemin. Les conditions météorologiques
sont
idéales, sans un souffle de vent et ensoleillé. Lentement
nous progressons
vers le point de départ du trek qui se trouve à qq
milles du fond du fjord.
Nous accostons contre la montagne, débarquons rapidement
marcheurs et
matériel - adieux et photos et un dernier mot par radio avant
de rebrousser
chemin car ce n'est pas un bon endroit pour se faire coincer; le
moindre
glaçon pèse un multiple de notre coque et nous ne
voulons prendre le
moindre risque.
4 heures de
slalom nous ramènent vers un mouillage à peu près
à l'abri des
glaces. A défaut d'indications sur les cartes ou d'instructions,
nous
devons prudamment sonder les fonds avant de mouiller l'ancre. Par
chance,
la première tentative est la bonne et nous enfonçons
l'ancre dans un fond
d'argile, de sable fin et de quelques algues. S'ensuit une soirée
pizza
fabriquée par nos chefs cuisine et accompagné d'une
excellente bouteille de
rouge et d'une pastèque ... le tout contraste avec le paysage
minéral et
froid qui entoure notre mouillage.
Le beau temps
a laissé place à un stratus bas et des bancs de brouillard.
Prudemment nous naviguons entre de grands icebergs, morceaux de
glace et
haut-fonds qui ne figurent sur aucune carte. Nous décidons
de remonter le
Johan Petersen Fjord qui est surplombé par une série
de glaciers
spectaculaires descendant de la calotte glaciaire. Mais le brouillard
reste
dense et nous apercevons à peine les rives encore enneigées
de ce fjord
particulièrement froid. La progression est ralentie par l'abondante
quantité de glace et nous décidons de faire demi-tour
après un moment
d'attente dans l'espoir d'une éclaircie.
Retour vers
le Sermilik et plus loin au nord-est pour nous rapprocher du
lieu de rendez-vous au fond du Quingertivaq avec nos montagnards.
Navigation brumeuse à travers des fjords profondement entaillées
entre des
sommets se dévoilant par moments et qui feraient rêver
grimpeurs et
alpinistes. Le soir nous faisons une brève halte au village
de Kuumiut où
nous sommes accueillis par les enfants du village. Nous partons
à la
recherche de pain et de viennoiseries qui sont fameuses ici - tradition
danoise oblige. Ce village de 450 habitants possède un supermarché
KNI bien
garni - malheureusement fermé au moment de notre passage.
Les odeurs de la
conserverie de poissons nous font préférer un mouillage
forain à quelques
milles.
Nous nous faisons
surprendre par un banc de vase qui barre l'entrée de la
baie au paysage spectaculaire que nous avions choisi pour passer
la nuit et
devons nous contenter d'un mouillage mal abrité aux fonds
incertains. Il
est typique de relever une anse avec une plage qui semble parfaite
pour un
mouillage forain. Cependant les fonds tombent très vite à
plus de 50m à
seulement quelques mètres du rivage et la stratification
de l'eau et les
fonds aux pentes abruptes rendent souvent inutilisables les deux
sondeurs
du bord - nous revenons donc à la sonde à main qui
est moins confortable à
mettre en oeuvre mais nous donne de précieux renseignements
sur profondeur
et nature du fond...
Le lendemain
matin nous nous faisons réveiller par Ulrich, un pêcheur
inuit
qui vient échanger quelques mots et nous offre 2 belles morues.
Geste
bienvenu car la gastronomie du bord reste une préoccupation
importante.
Geste que nous rendons par des plaques de chocolat suisse, très
apprécié
par ici.
A l'heure de
la vacation radio avec l'équipe terrestre, nous recevons
un
message nous demandant de nous dépêcher vers le lieu
de rendez-vous suite à
une série d'incidents qui a rendu difficile la progression
du groupe. Nous
garderons le contact radio (VHF) et embarquerons l'équipe
fatiguée en fin
d'après midi. Jean-Claude a eu un malaise tandis que René
après avoir porté
un sac surchargé s'est bloqué le dos ce qui mettra
temporairement fin au
projet de trek.
Une journée
de repos dans un mouillage confortable permet aux marcheurs de
récupérer tandis que l'équipage 'navigation'
profite de l'occasion pour se
dégourdir les jambes à terre.
.
Depuis ce moment,
beaucoup d'eau glaçée est passée sous la quille
d'Imram.
La suite de l'histoire suivra une autre fois...
Nous sommes
de retour à Kulusuk, la petite ville avec son aéroport
international - nous profitons d'une occasion inespérée
de pouvoir enfin
poster le courrier accumulé de trois semaines.
A bientôt
Peter
Imram onboard
mail.
ACAPELA, août
2003 |